Noël frappant à la porte dans dix jours, je me suis retrouvée à chercher des clés de voiture perdues dans une pelouse de 100m2 par 6°. Chauds les marrons…
Un gazon qui n’en était plus vraiment un et une végétation qui avait atteint une vingtaine de centimètres de haut, encore couverts d’une neige en cours de dégel. Les yeux fureteurs, d’abord, attentifs au moindre éclat brillant qui indiquerait la présence du sésame tant recherché. Car l’enjeu était de taille : je quittais la maison de mes parents que nous étions en train de vider et dans laquelle il n’y avait plus de chauffage ; j’étais seule, en quasi-campagne, éloignée de notre habitation et sans clés pour repartir ; j’avais emprunté l’antique bolide de mon fils acquis pour la modique somme de 300€. Quand pourrais-je récupérer de nouvelles clés pour ce véhicule vieux de 25 ans et serait-ce seulement possible auprès du constructeur ?
Accroupie ensuite et à mains nues, complètement réfrigérée, pour maximiser mes chances d’aboutir. Puis le désespoir aidant devant l’ampleur de la tâche, je me décidai à retirer chaussures et chaussettes afin d’ajouter une nouvelle corde à mon arc : la plante de mes pieds pourrait peut-être percevoir une proéminence salvatrice.
Après une heure d’un quadrillage quasi-archéologique (vrai !), le découragement me guettait. Engourdie par le froid, je ne sentais plus la plante de mes pieds. Contrainte de me réchauffer périodiquement dans l’habitacle non chauffé (puisque pas de clés, évidemment…), seule la perspective de priver mon fiston de son véhicule de course m’incitait à poursuivre. Faisant fi de la petite voix qui me murmurait : « Laisse tomber ! Comment veux-tu retrouver une aiguille dans une botte de foin ? C’est perdu d’avance, ma fiiille !!! », je m’obstinais à ratisser mécaniquement à la main une terre froide, tout à la fois mouillée et croustillante, ne discernant le sol plus qu’à moitié à force de scruter chaque brin d’herbe. Je ne pouvais pour l’instant me résoudre à abandonner.
Et puis, comme un désir que l’on a tant souhaité voir s’exaucer mais que l’on n’espère plus, dans l’incrédulité la plus stupéfaite, le duo de clés m’apparaît, au pied de hautes herbes, impossible à déceler à l’œil nu. J’en pleure de joie, j’en pleure de fierté devant ma ténacité qui paie… Il y a bien un dieu pour les croyants … J’en oublie mes pieds congelés, mes orteils décorés de boutons de pissenlit qui s’y sont accrochés, les passants étonnés, se demandant ce que fait cette femme pieds nus, à fourrager dans l’herbe par ce temps à ne pas mettre un chat dehors.
Remontée dans la chère antiquité, je me précipite sur le téléphone et dans un souffle de bonheur : « Chéri ? Je les ai… ». Car j’avais auparavant appelé le chéri qui ne pouvait rien faire pour moi. Je me remets. Et puis maintenant, comment fait-on pour conduire, les pieds trempés, couverts de terre, sans abîmer mes nouvelles bottines en cuir ? Un essai infructueux me convainc de renoncer à piloter pieds nus. Cà glisse sur les pédales… Jetant un œil machinal sur mon sac à main, la lumière se fait jour : mes mouchoirs en tissu, que je trimbale en toutes circonstances. Ni une ni deux, me voilà partie chaussant mes chaussures de ville, les pieds emballés dans mes chers Caruso…
Vivienne